Beat Takeshi Kitano

Première chronique sur un des grands maîtres du cinéma japonais. Première chronique tout court sur un réalisateur – qui vaut le coup d’être exploitée. A travers sa p’tite douzaine de films, j’en retiens quand même 8 voire 9 (le 9ème éventuel est l’incertain Takeshi’s légèrement mégalo) qui m’ont bien marqué. Le personnage surtout ! Ses mimiques, son faciès impassible bourré de tics, sa démarche de pantin titubant et déterminée, ses hausses de ton brutales insultantes et impulsives, sa misogynie affirmée et naturelle, son attirance enfantine pour le jeu, son côté artistique torturé, sa mégalomanie vicieuse et viscérale et son regard planant inexpressif et subversif.

Kitano découvre le monde de la scène et du théâtre avec son ami Kiyoshi Kaneko. Les Two Beats (d’où son pseudo « Beat » Takeshi) s’attacheront à la pratique du manzai (genre de sketch satirique freestylé) jusqu’à ce que Takeshi se fasse repérer pour se projeter en animateur fanatique. Il est à l’origine notamment de la célèbre émission Takeshi’s Castle qui nous démontre la force de persuasion de Kitano et son succès auprès d’une horde de disciples absolument gigantesque. Pas un japonais ne connaît pas l’existence de Kitano. Participants suicidaires extrêmes et fanatiques (on reconnaît bien là le goût prononcé et ré-« créatif » de Kitano pour l’invention de jeux amusants plus tarés les uns que les autres).

C’est Oshima (L’Empire des Sens) qui lui offrira son premier rôle significatif sur grand écran en 1983, en tant qu’acteur ds un rôle lui correspondant à merveille : FURYO (avec Bowie). Film marquant tant par la dualité complexe d’un affrontement violent et amical que par les acteurs
absolument majestueux. Du Grand Art. Sa 1ère réalisation (1989) est, quant à elle – à l’extrême – une bombe intimiste. A repris la réalisation de Violent Cop (2 versions : Fukasaku se serait désisté ou les producteurs l’auraient gentiment remercié ?) et a remodelé entièrement le scénario en peignant le dessein noir d’un anti-héros pestiféré et nihiliste. Du choc et un style déjà tout à lui. Film qui reste trop souvent méconnu mais vaut son pesant d’or.

Ensuite va nous pondre en 90 le majesteux Jugatsu, un de mes préférés (si ce n’est mon préféré) où son rôle reste secondaire (mais on ne peut pas l’oublier) avec un style toujours aussi amer et abrupt. On peut penser certaines scènes bien choquantes pour les habitants de l’archipel (mais où est passé le gentil humoriste ? – son succès en tant que réalisateur au Japon n’est pas du tout avéré d’ailleurs). Toujours aucune musique (style emphatique de l’alternance planante extra violente). Je passe sur A Scene At the Sea (1991), pour moi en léger décalage avec sa filmographie (son côté médusé par la mer – grand leitmotiv dans tous ses films). Mais là, nous méduse trop le cerveau (en tout cas le mien !). Hisaishi fait alors son entrée chez Kitano – pour toutes les BO de ses films jusqu’à Dolls.

Le très culte Sonatine décrochera en 1993 le prix de la critique à Cognac, ce qu’il lui permettra de s’ouvrir à l’étranger (et surtout ce qui nous permettra en France de pouvoir visionner ses films !). Certains disent que c’est la copie conforme de La Guerre des Gangs à Okinawa (que je n’ai pas vu). D’autres disent que c’est un hommage au réalisateur Fukasaku grâce auquel il est aujourd’hui réalisateur (Tarantino en est fan également). Du style ponctué par un humour dérisoire au destin irrémédiable. Beau film, à ne pas manquer c’est clair. Spéciale mention à l’acteur Terajima qui accompagnera Kitano dans la majeure partie de ses films (qu’on retrouve également dans Ichii The Killer de Miike).

Il nous craque ensuite un Getting Any ? en 94 et là effectivement on se demande…(on comprend alors la valeur significative du point d’interrogation !). Et la même année tente de se suicider en moto (cet égarement poussif et délirant pouvant expliquer son état psychologique instable ?). Accident suite auquel il aura une paralysie prononcée qui nécessitera une lourde intervention (et lourdes séquelles : d’où l’explication de ses tics qu’on aime tant et de sa démarche tortueuse).

Se remet en selle en 96 et nous fait les très réussis Kids Return puis en 97 Hana Bi (Lion d’Or à Venise). Le premier nous permet de comprendre les rêves ambitieux de Kitano adolescent : champion de Baseball ou yakusa. Touchant et fataliste. Le très fameux Hana Bi est aussi une réussite puisque certains diront qu’il se situe au sommet de son art. C’est (r)affiné il est vrai et on note un romantisme bien réel qu’on ne lui connaissait pas.

Revient en 99 avec L’été de Kikujiro, toujours sur la même note légère et bien moins violente que ces précédentes oeuvres (sinon pas du tout). Puis la même année, son dernier film de yakusa Aniki mon frère. Innovant et périlleux car se risque à vouloir situer son film aux US (LA). Le casting est bon, le choc des cultures également et on est bien soulagé de voir que l’œuvre est à la hauteur de l’auteur.

Avec Dolls (2002), on sent une volonté forte de Kitano de vouloir rompre avec son style habituel. N’acte pas dedans d’ailleurs. Changement probablement trop radical… Ca n’a d’ailleurs pas plu au maître qui a décrété son œuvre gâchée par une BO pas adaptée. Clash Joe/Beat ! Plus jamais ne travailleront ensemble (et Hisaishi a suffisamment à faire sur le gd écran avec les Studios Ghibli).

Reviendra l’année suivante en 2003 pour nous offrir Zatoichi. Retour bien réel. C’est tranchant, blond et kitanesque (ds un style absolument nouveau mais pas éloigné du sien). On dit oui (et ouf). Un de mes préférés.

Avant de tourner Takeshis’ en 2005, jouera dans Blood&Bones (Yoshi Sai) en 2004 en tant que pièce maîtresse et c’est très fort (ne pas oublier pr les adeptes !). Sinon dans Takeshis’ on sent que le réalisateur commence à tergiverser en fin de carrière (déjà ?). Mais on n’est pas forcément prêt à voyager dans des tréfonds assez complexes et limite lynchifieux (et mégalo). Nouveau tournant difficile à prendre. Mais à voir éventuellement plusieurs fois car somme toute intéressant.
Son dernier film : Glory to the filmaker en 2008 (ne l’ai pas vu). A priori encore sur la route du réalisateur torturé ou en pleine introspection (normal vu qu’il s’inscrit dans une trilogie avec le film précédent). A croire qu’il se woody-allenise ? Film a priori burlesque. A tenter irrémédiablement car – et je finirai par cette phrase – Kitano est définitivement un mythe du cinema.

Voire un mythe tout court.

C.

6 Réponses to “Beat Takeshi Kitano”

  1. Mikado Says:

    Yep grande tige. Content de te revoir parmi nous. J’ai cru a un sucide collectif au vu de l’inactivité des membres du dojo. En ce qui concerne Kitano, ouais je crois bien que t’as fait le tour, une face, du talent, une filmographie beton, seul point noir getting any? Une belle surprise l’été de Kikujiro, pour le reste rien à dire !!!

  2. c. Says:

    Yes t’inquiete je reviens en force et en pleine forme. Demain back in business mais vais essayer de m’arracher les amygdales maintenant que j’ai le net at home !

  3. elgaman Says:

    Merci pour ce long roman t(K)itanesque!!! Je ne savais pas que c’était une tentative de suicide son « accident »! Gésus

    Ah?! Ah?! Mikado se fache contre les membres du dojo? Il faut les pardonnner! Ils ont beaucoup de travail (mais un mort peut toujours être pendu deux fois…)

    Perso, je ne suis pas d’accord sur Dolls. J’ai vraiment accorché sur le film. Particulièrement beau à mon sens. Quelque soit le style mis en cause, j’aime!

  4. Soulanubis Says:

    lol, vous avez quand même des sujets chelou…

    j’aime 🙂

  5. c. Says:

    Ouais, Dolls m’a ennuyé. Mais ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu et peut être qu’il faudrait que je m’y attèle une nouvelle fois? Le style était beau certes, mais ne suis p’tet pas assez poétique…?

  6. elgaman Says:

    Ouais, c’est p’têtr’ ça… Manque de romantisme le C. !

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